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15 juin 2013 6 15 /06 /juin /2013 05:58

 

Christophe Lamfalussy

En 1980, Patrick Chauvel rencontre le roi du reggae en Jamaïque. Le photographe raconte cela, et bien d’autres anecdotes, dans un livre.

C’est l’histoire d’une photo qui a fait le tour du monde, sert d’étiquette à une marque de rhum, l’un des rares clichés qui rapportent encore des droits d’auteurs au photographe français Patrick Chauvel. Cette photo est celle de Bob Marley, le roi du reggae, tirant sur un joint dans sa maison en Jamaïque, le visage partiellement masqué par un halo de fumée. Chauvel a pris cette photo en mars 1980 en marge d’un reportage sur des violences politiques en Jamaïque qui avaient tourné court.

Vous vous êtes retrouvé sans sujet ?

Je me suis retrouvé les mains dans les poches dans mon hôtel et je me suis dit : qu’est-ce que je fous ? Il faut que trouve une histoire. Bob Marley habitait en Jamaïque. C’était long shot, peu de chances qu’il soit là. L’agence m’avait dit qu’elle avait eu quatre rendez-vous avec lui et qu’il n’était jamais venu. J’ai dit à mon chauffeur : allons voir. Coup de pot : il était là. Il m’a invité dix jours chez lui.

Comment était-il ? Un an plus tard, il est mort d’un cancer.

Il avait l’air en pleine forme. C’était un type extrêmement physique, assez agressif.

Il cherchait la confrontation ?

Il était très occupé, très entouré. Il disait "moi, moi" tout le temps. Les groupes étaient très racistes entre eux, très politiques. Ils avaient des flingues dans leurs voitures. Chaque groupe représentait une faction politique. Quand ils chantaient, ils chantaient pour un mouvement. Bob avait pris sept balles lors d’un concert à Kingston en 1976. Son corps était couvert de cicatrices.

Et il vous offre de fumer un joint…

Il m’oblige. Sans cela, il n’y avait pas de photos. Et là je pars.. car je ne fume pas. Puis il me dit : "à toi". J’ai pris cette photo juste avant. J’étais encore bien.

Il était déjà très connu à l’époque ?

Oui, mais il faisait travailler les gens du peuple. Il avait créé sa propre maison de disques dans un quartier pauvre. Il avait ouvert une petite usine à disques. Les mamas l’embrassaient, l’appelaient par son petit nom. Les gens l’avaient connu comme cela quand il était dans les faubourgs. Il n’était pas grand, mais très musclé. Il courait dans les villages, pieds nus, à jouer au foot dans les quartiers. Pieds nus ! J’ai essayé. J’ai tenu une minute trente.

Vous allez à la plage avec lui, et vous vous baignez dans la mer. À ce moment-là, vous comparez vos cicatrices. Vous en avez eu combien dans votre carrière ?

Je ne les compte pas j’ai pris quatre éclats de mortiers, trois balles, des coups de couteaux.

Cette photo de Marley est en couleur. D’autres, dans ce reportage, sont en noir et blanc. Pourquoi ?

Parce que les journaux ne prenaient qu’une noir et blanc à l’intérieur et faisaient la couverture en couleur. Je me retrouvais avec quatre boîtiers à l’époque : deux boîtiers couleur et noir et blanc avec un grand-angle, deux boîtiers avec une télé. Quelquefois, je commençais un reportage en couleur, puis j’arrivais au bout des 36 vues, et je switchais sur le noir et blanc car je n’avais pas le temps de rembobiner. Ce n’est plus le problème aujourd’hui ! On fait mille photos sur une carte !

Patrick Chauvel, 63 ans, raconte cet épisode dans le livre "Les pompes de Ricardo Jesus" qui vient de paraître aux éditions Kero. Y sont consignées les anecdotes, les histoires des reportages qu’il a réalisés dans les années 70 et 80. L’idée lui est venue en parcourant la Tunisie, l’Egypte et la Libye au cours du Printemps arabe. "J’ai repensé à ce printemps latino-américain où le Salvador, le Nicaragua, le Guatemala avaient essayé de se débarrasser de leurs tyrans", dit-il. En fouillant dans ses archives, il a retrouvé ses vieilles photos et les "C’est incroyable, c’est comme si les gens sortaient de la photo et me parlaient"souvenirs, parfois très précis, sont revenus à la surface. Brillante idée car tant d’événements de ces années-là ne sont pas consignés sur Internet.

Intarissable narrateur, Chauvel a de quoi raconter. Né d’un père breton et d’une mère corse, ce neveu de Pierre Schoendoerffer a été éduqué jusqu’à l’âge de dix ans par son grand-père, ambassadeur à New York, Washington et Genève. Il a peu fréquenté l’école ("Connais pas", a un jour écrit son professeur de maths sur son bulletin) et fait ses classes de reporter de guerre sur le terrain. Il a publié sa première double page dans Match en 1968, à la suite d’un reportage au Vietnam. Il n’avait que 18 ans. L’agence Sipa l’engage l’année suivante. Sygma le débauche en 1979.

Ce fut, et cela l’est toujours, une vie d’avions, d’hôtels pourris, de rencontres extraordinaires, de rédacteurs en chef qui n’ont jamais assez d’argent mais toujours de bonnes idées. Une vraie vie Aux jeunes qui seraient tentés de suivre ses traces, il conseille de savoir ce qu’ils veulent et de prendre l’initiative. Car la contrepartie est rude : souvent absent, pas beaucoup d’argent, une vie décousue. Sur le plan sentimental aussi, ajoute Patrick Chauvel, "les femmes adorent les grands reporters mais en ont vite assez. Elles vous quittent pour les mêmes raisons que pour celles pour lesquelles elles vous ont aimé".

 

Avant l’ère du numérique, les photographes passaient un temps et des risques considérables à envoyer leurs clichés aux rédactions. Il fallait à Beyrouth traverser "la ligne de la mort" ou rouler à tombeau ouvert sur Sniper’s alley à Sarajevo pour dénicher un avion ou un téléphone satellite. Aujourd’hui, Patrick Chauvel voyage beaucoup plus léger, photographie et filme avec le même Canon D3X et emporte avec lui une petite Go Pro et quelques micros. La technique change, mais le métier reste.

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