Hergé raciste ?
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Dans l’affaire Tintin au Congo, le Procureur du Roi de Bruxelles vient de rendre son avis. Il estime les plaintes de Bienvenu Mbutu Mondondo et du Conseil représentatif des Associations noires de France (Cran) « non fondées ». Pas question, dit-il, d’interdire la diffusion de l’album ni d’obliger Casterman et Moulinsart à insérer une mise en garde dans les nouvelles éditions.
Les avocats de la défense invoquaient de toute manière la prescription dans ce dossier, l’album original étant paru en 1931 et l’édition définitive en couleur en 1946. Mais sur ce point, le Procureur leur donne tort :
« Aucune prescription ne paraît pouvoir être retenue puisque l’album Tintin au Congo continue d’être diffusé et avec lui les idées litigieuses ».
A ses yeux, il ne faut donc voir aucune « malice » dans la procédure entamée par Bienvenu Mbutu Mondondo et le Cran. La procédure entreprise ne peut être considérée comme « téméraire et vexatoire » dans le chef des plaignants. Ils ont porté devant la justice un problème qui se posait depuis « des lustres ». Par contre, ils se trompent en pensant que la bande dessinée d’Hergé est en infraction avec la loi de 1981 contre le racisme.
Sur le fond, le Procureur rappelle que la loi de 1981 sanctionne certes « quiconque diffuse des idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale » mais qu’il manque ici « l’élément moral » susceptible de rendre cette diffusion condamnable. En clair, la Cour constitutionnelle soucieuse de ne pas égratigner la liberté d’expression définit cet « élément moral » comme « la volonté d’attiser la haine à l’égard d’un groupe de personnes ou de justifier la mise en place d’une politique discriminatoire ou ségrégationniste ».
Or, souligne l’avis du Procureur, « il ne serait assurément pas honnête de prêter à Hergé ou aux éditeurs qui commercialisent son œuvre de tels desseins racistes ou ségrégationnistes ». Hergé était tout au plus « le reflet de son temps », ajoute-t-il. Son œuvre est « une fiction, fruit de l’imagination créatrice et du sens artistique ». Les stéréotypes qu’elle contient sont « le fait de la caricature ».
Dans sa conclusion, le Procureur précise que « Tintin au Congo ne contient pas d’affrontement du jeune reporter avec un quelconque Noir ou groupe de Noirs, mais met Tintin aux prises avec une bande de gangsters blancs. » Il n’y voit « aucune idéologie » ni « a fortiori aucune apologie de quoi que ce soit, le Congo servant juste de cadre spatio-temporel ».
Par conséquent, le retrait de l’album des librairies serait « disproportionné vu l’indéniable qualité artistique de l’ouvrage, chef-d’œuvre reconnu de notre patrimoine littéraire national » . Le procureur n’hésite pas à écrire qu’une mise à l’index de Tintin au Congo serait « exorbitante, peut-être même inconstitutionnelle » ! Quant à la décision d’insérer une préface ou un avertissement, elle s’avérerait impraticable pour le tribunal. Les avocats de Bienvenu Mbutu Mondondo et du Cran ont maintenant trois semaines pour faire connaître leurs réactions. Ensuite, la juge tranchera dans les deux mois.
Source:
Le Soir.be
DANIEL COUVREUR
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